En Haïti, l’état d’urgence a été prolongé, jeudi 7 mars, suite aux attaques des gangs contre des institutions, notamment des tribunaux et des commissariats de police. Depuis plusieurs années, le pays des Caraïbes connaît une explosion de la violence qui pèse sur les habitants et notamment sur la communauté chrétienne.
"C’est comme une guerre civile", se désole Mgr Max Leroy Mésidor, archevêque de Port-au-Prince dans un entretien avec l’Aide à l'Eglise en Détresse (AED). Il témoigne de nombreux affrontements entre les gangs mais également entre les gangs et la police sur le petit territoire d’Haïti.
Dimanche 3 mars, des gangs ont mené une offensive contre des prisons, libérant plusieurs milliers de prisonniers. Face au chaos, les autorités ont décrété l’état d’urgence pour 72h, qui a par la suite été renouvelé pour une période d’un mois, à partir de jeudi 7 mars.
L'explosion de violences que connaît le pays depuis plusieurs années freine drastiquement les activités pastorales menées par les chrétiens. C'est ce dont témoigne Mgr Leroy Mésidor, qui n’a pas célébré de messe dans la cathédrale de Port-au-Prince depuis plus de deux ans. Il se désole de cette situation sécuritaire catastrophique. "Une fois, alors que j’étais dans mon bureau, il y a eu beaucoup de tirs et j’ai dû attendre pendant quatre heures avant de pouvoir sortir pour célébrer la messe", explique-t-il.
L’archevêque dénonce aussi la "dictature du kidnapping" qui touche les religieux et religieuses, mais également les médecins. Kidnappés le 23 février dernier, six religieux sont encore aux mains de leurs ravisseurs. "Les gangs vont jusqu’à rentrer dans les églises pour kidnapper les gens", assure Mgr Max Leroy Mésidor.
Les gangs n’hésitent pas à tuer pour asseoir leur domination sur les quartiers de la capitale haïtienne. L’ONG Médecins sans Frontières a récemment publiée une enquête sur la mortalité en Haïti depuis 10 ans, révélant des "niveaux extrêmes de violence". Comparant la situation des Haïtiens aujourd’hui à celle des populations des camps de Raqqa en 2017, soumises aux bombardements de la coalition internationale contre l’État islamique et au régime de la terreur de ce dernier, l’ONG recense plus de 4700 victimes d’homicides dans le pays, dont la moitié dans la capitale Port-au-Prince.
Certains chrétiens haïtiens tentent de s’opposer à ce cylce infernal de violences perpétrées par les gangs, s’exposant à de terribles représailles. C'est par exemples le cas de plusieurs fidèles d'une église évangélique haïtienne, qui manifestaient autour de leur leader contre l'emprise d'un gang dans un quartier de Port-au-Prince. Ils ont été tués par balle en août 2023.
Jocelyne Colas, responsable nationale de Justice et Paix explique que les habitants se cachent chez eux. La liberté de circulation n’existe plus souligne-t-elle, reconnaissant que la violence des gangs armés a d'importantes conséquences sur le fonctionnement des écoles et des hôpitaux tenus par l’Église.
Depuis plusieurs jours, les bandes criminelles réclament la démission du Premier ministre Ariel Henry, qui aurait dû quitter ses fonctions début février. Cette revendication est partagée par une grande partie de la population, qui n’a pas eu l’occasion de choisir ses responsables politiques depuis 2016.
Sensibles à l’explosion des violences dans ce territoire du continent américain, les États-Unis alertent sur la situation et appellent "à une réponse internationale, de la même manière que la communauté internationale répond aux défis en Ukraine ou à Gaza", rapporte l'AFP.
Jean-Benoît Harel